Résumé
Pour affronter les fantômes qui le hantent, le réalisateur palestinien Raed Andoni rassemble un groupe d’ex-prisonniers pour recréer Al-Moscobiya, principal centre d’interrogatoire d’Israël, où il a été emprisonné à l’âge de 18 ans. D’une mémoire fragmentée, jour après jour, ils recréent le centre d’interrogatoires dont ils ont fait autrefois l’expérience, reconstituant ainsi l’histoire de ce centre. Au fur et à mesure que les parois des cellules s’élèvent et que la reconstitution s’élabore, les langues se délient et les émotions se relâchent.
L'avis de Tënk
« Dois-je mettre le sac sur la tête ? Seulement si tu veux. Je ne le veux pas mais je vais essayer pour toi. » Cet échange entre un participant et Raed Andoni traduit toute la complexité du projet et de la relation tissée entre le réalisateur et ces hommes avec lesquels il partage l'expérience d'enfermement dans les geôles israéliennes. Projet fou de faire reconstruire par des anciens prisonniers palestiniens les lieux où ils ont été détenus, et de leur faire rejouer les scènes d'interrogatoire et de torture qu'ils y ont subies. Ils endossent tour à tour le rôle des geôliers et libèrent la violence de leurs fantômes. Privation de sommeil et de nourriture, coups, insultes… les humiliations refont surface. Pourtant, les traumatismes laissent aussi place au soulagement de pouvoir parler, raconter ce qu'ils ont vécu. Peu à peu, le film fait exister la solidarité de ces hommes entre eux et celle de tout un peuple palestinien qui, à travers les générations, partage cette expérience. En 2017, lors du tournage, 750 000 palestiniens et palestiniennes avaient été emprisonné·es depuis 1967 dans les prisons et centres d'interrogatoires israéliens.
Éva Tourrent
Responsable de la programmation et co-directrice artistique de Tënk
